La Patagonie, formée par la pointe sud de l’Amérique du sud que se partage l’Argentine et le Chili, constitue une destination de choix pour la pêche des salmonidés. Truites arc-en-ciel et farios sont largement représentées et ont des habitudes alimentaires adaptées aux écosystèmes qui les entourent.
Ce qui donne un caractère si particulier à la Patagonie chilienne c’est sa multiplicité d’écosystèmes. Coincée entre la cordillère des Andes et l’océan Pacifique l’hygrométrie y est très changeante selon l’Altitude. Le dénivelé étant souvent fort plusieurs biotopes aux différences marquées peuvent se côtoyer. Cette diversité abrupte, nette, de climat apporte une richesse halieutique sans égal. Les secteurs avals, souvent plus humides, offrent un contraste avec les plateaux d’altitude aux abords plus arides et largement exposés au vent.


C’est cette pêche d’«Altiplano» (plateaux d’altitude) qui marque le plus les esprits et qui a forgé l’image qu’on a de la Patagonie chilienne depuis l’Europe : la pêche aux (gros) terrestres, le spectacle unique d’une Tchernobyl Ant qui disparait dans la gueule d’une grosse truite.

Je vous parlerai prochainement des pêches plus fines qu’il convient de mettre en œuvre sur d’autres types de secteurs et qui constituent généralement la majorité de la pêche. Il me semble cependant intéressant de commencer cette série d’articles par une particularité, une exception dans la pratique de la pêche à la mouche pour les pêcheurs européens que nous sommes.
Les secteurs à favoriser selon les insectes recherchés
Avant de parler de secteurs à favoriser il s’agit de définir la saisonnalité de cette pêche résolument estivale. Les insectes terrestres qui déclenchent ces comportements alimentaires sont présents en été ce qui correspond aux mois de janvier, février, mars en Patagonie. Selon les conditions climatiques leur apparition peut parfois prendre du retard (fraicheur et précipitations en début de saison).
Les sauterelles
La présence de sauterelles dans les prés bordant les rivières est parfois massive mais pas partout. Il faut souvent prendre de l’altitude et chercher les paysages secs avec une végétation rase pour trouver les secteurs de pêche. Le premier facteur d’identification de zones à favoriser est la couleur des prés alentours. Une herbe jaunie par le soleil, des arbustes épineux et les lupins. Ces derniers constituent le marqueur visuel le plus évident de l’écosystème recherché.

Le vent, dont on a tendance à se cacher pour pratiquer la pêche à la mouche, se transforme en allié le temps de la mise en œuvre de cette technique. Les insectes terrestres ne cherchent pas à tomber dans l’eau et quand ils n’y sont pas contraints par un vent soutenu les poissons se détournent de cette manne de nourriture trop peu abondante. A la manière d’une éclosion c’est la multitude d’insectes qui conditionne le comportement et provoque l’attrait pour ces proies spécifiques. Sans vent il faut souvent se résoudre à revenir vers des pêches plus fines ou prendre le risque de ne décider que peu de poissons.
Les cantarias
Les sauterelles n’ont pas le monopole de l’appétit des truites patagonnes. Les cantarias, gros coléoptères, se regroupent pour se reproduire tous les 2 ans pendant la période estivale.

Pour observer ce phénomène et l’exploiter à la pêche il faudra trouver les abords de rivières boisés en recherchant spécifiquement le Coigüe (arbre endémique de Patagonie) ainsi que les bosquets de caña. Le biotope idéal se rencontre en altitude mais moindre par rapport aux sauterelles.

Comme beaucoup de coléoptères ces insectes volent mais sont souvent maladroits. Les grandes concentrations aux abords de l’eau provoquent des chutes accidentelles et les truites sont très promptes à se saisir d’une telle opportunité. J’ai vu des poissons parcourir jusqu’à 5 mètres pour engloutir une cantaria maladroite qui avait fait l’erreur de toucher la surface. Les mâles cantaria sont les plus impressionnants avec leurs mandibules disproportionnées. On pourrait penser la bouchée trop importante mais même des poissons modestes arrivent à s’en nourrir sans problème.

En observant les truites s’en nourrir on constate qu’elles les attaquent en vol. Le phénomène est assez évident sur certains lacs le long des jonchères, les poissons sortent entiers de l’eau pour télescoper une libellule imprudente. Le spectacle est exquis mais il est difficile à reproduire avec une mouche artificielle.
Les libellules
Bien que n’étant pas un terrestre elles sont également au menu mais j’ai toujours constaté de meilleurs résultats en imitant la larve qu’en essayant avec une imitation de l’imago en mousse.

En observant les truites s’en nourrir on constate qu’elles les attaquent en vol. Le phénomène est assez évident sur certains lacs le long des jonchères, les poissons sortent entièrement de l’eau pour télescoper une libellule imprudente. Le spectacle est exquis mais il est difficile à reproduire avec une mouche artificielle.