Durant ces longues semaines de confinement en 2020, j’ai pris l’initiative de creuser un bassin dans mon jardin. Mon objectif était de recréer un équilibre écologique avec toutes sortes de formes de vie, allant des plantes aquatiques aux petits invertébrés en passant par un couple de black-bass. J’espérais secrètement avoir la chance d’assister à leur reproduction. C’est maintenant chose faite et chaque année j’observe une nouvelle ponte. Je suis cet événement de près et aimerais vous partager mes observations.

Tentative infructueuse
Le premiers black-bass (la femelle) a rejoint le bassin en septembre 2021. Le second (le mâle) est arrivé début 2022. Je n’avais aucune idée s’il s’agissait de mâles ou de femelles et on peut dire que j’ai eu de la chance. Ce qui était certain c’est qu’ils étaient en âge de se reproduire puisque les deux poissons mesuraient près de 45 cm. Toujours est-il qu’au cours du printemps qui a suivi, ils n’ont visiblement pas frayé. Seuls quelques points blancs éparpillés sur des roches à 1m de profondeur m’ont laissé penser que la femelle s’était délestée de ses œufs mais qu’ils n’avaient pas été fécondés.

Mise en place d’une frayère artificielle
L’année suivante j’ai mis plus de chances de mon coté en créant une zone de frayère. Un espace judicieusement choisi, partiellement ombragé par des plantes mais relativement ensoleillé. J’y installais, au mois de janvier 2023, un bac remplis de graviers et de galets à environ 50 cm de profondeur.
Toujours rien
On dit que le black-bass fraie généralement d’avril à juin lorsque l’eau atteint 16 à 18 degrés. Il parait même que les femelles peuvent pondre plusieurs fois. Vu la faible profondeur globale du bassin je m’attendais à des signes de reproduction dès le mois d’avril. Peut-être est-ce dû à l’arrivée d’eau qui créée un courant et empêche l’eau de chauffée. A la fin mai, je n’observais toujours rien.

Les premiers signes de fraie
Ce n’est que tout début juin que j’observe enfin les premiers comportements indicateurs de la fraie chez le mâle. Ce dernier commence à pourchasser la femelle dans tout le bassin, il la mord même parfois. Il vient régulièrement se poster sur la frayère artificielle que j’ai mise en place et je constate rapidement qu’il nettoie les cailloux en chassant la vase, si bien que beaucoup des plus petits graviers finissent au fond du bassin. Si vous voulez mettre en place des frayères artificielles, privilégiez donc des caisses à rebord pour que les graviers restent en place.

Enfin une première ponte
Quelques jours plus tard, je vais observer la frayère comme chaque matin et je constate qu’elle est couverte d’œufs. Impossible pour moi d’estimer la quantité mais ils se comptent en milliers c’est certain. La femelle fait environ 1,5 kilos donc elle à du pondre en théorie entre 6000 et 9000 œuf de la taille d’une petite tête d’épingle. A peine plus d’un millimètre de diamètre je dirais. Par chance, le manque de graviers sur ma frayère n’a pas l’air d’avoir posé problème, beaucoup d’œufs sont posés à même la bâche EPDM et cela ne les empêchera pas d’éclore.
Les œufs de black-bass
La grande majorité de ces œuf sont transparents, difficiles à voir à l’œil nu en milieu naturel. Quelques uns ont une couleur blanc opaque, je comprends assez rapidement que ce sont les œufs non fécondés qui commence rapidement à moisir au bout de quelques jours. Ces œufs sont plus facilement repérables et peuvent vous permettre de trouver une frayère en milieu naturel.

La couvaison
La première chose que je constate est facilement observable dans la nature. Dès les premières heures suivant la ponte, le mâle black-bass a évidement entamé sa garde en se tenant en permanence au-dessus du nid. Mais je crois que son rôle ne s’arrête pas à défendre sa progéniture des éventuels prédateurs. Il ne se comporte pas comme un poisson au repos mais actionne toutes ces nageoires au dessus du nid en permanence. C’est ce qui me fait penser qu’il ventile ses œufs, peut-être pour éviter les dépôts de sédiments et l’envasement du nid.

Attentions au wading
C’est un sujet qui est largement abordé pour la truite et l’ombre mais très peu pour les autres espèces. J’entends beaucoup parler des précautions à prendre en ce qui concerne la pêche des biotopes à black-bass aux mois de mai et juin. Mais on nous alerte toujours sur le fait qu’il ne faut pas rechercher ce poisson durant sa période de reproduction pour ne pas stresser ou tuer les géniteurs. On ne parle presque jamais du risque d’endommager les frayères. Et lorsque je vois pour la première fois, en juin 2023, ce à quoi ressemble une ponte de black-bass, je réalise a quel point un simple pied posé au mauvais endroit pourrais être ravageur pour ces œufs si délicats.

Le pêcheur de brochet qui entre donc dans l’eau en waders entre mai et juillet, pensant éviter de nuire aux black-bass du plan d’eau en utilisant des leurres big bait est en réalité un danger. Outre le fait qu’un black-bass mâle défendant son nid peut tout à fait attaquer un shad de 25 cm, le plus gros risque à mes yeux, reste d’écraser les frayères. Alors si vous voulez prendre soins de vos black-bass, ne marchez pas dans l’eau où il se reproduisent avant le mois de juillet.