- Pêche de la truite à la craw, une technique très efficace en fin de saison !
- L’hydrologie de nos cours d’eaux nous renseigne-t-elle sur la présence de grosses truites ?
- Truites record en début de saison, osez pêcher avec de gros leurres !
- Pêche des grosses truites farios normandes : retour d’expérience sur une approche big bait !
- Pêche de la truite au leurre : analyse d’un début de saison déconcertant !
Comme on l’a abordé dans le deuxième article de ce reportage, les bassins versants de certaines rivières normandes drainent des ruissellements d’eaux chargées de nutriments. Forêts, prairies pâturées ou même terres cultivées sont des sources d’apport de matière organique pour les cours d’eau. Dans ces milieux, l’abondance de nourriture permet des stratégies biologiques de croissance.
De fait, les truites peuvent atteindre des tailles importantes. En revanche, la détérioration des zones de frayère par le colmatage sédimentaire a rendu certains milieux peu productifs en termes de jeunes poissons. Les grosses truites s’accaparent des territoires, ce qui les rend agressives et défiantes lors des intrusions. On joue sur cette caractéristique écologique pour les leurrer.
La vision dogmatique de la pêche à la truite
Bien sûr, ce genre de retour ne s’appuie pas sur une littérature scientifique rigoureuse, ou même sur les résultats d’une expérimentation cartésienne. On ne parle même pas de littérature grise, étant donné que peu de contenu aborde l’approche dont nous parlons ici. Elle repose sur des constats empiriques, réalisés et partagés entre différents pêcheurs de truite. Plus que d’un savoir théorique, ils répondent ici d’un savoir humain, ne valant pas vérité générale.
Ceci étant dit, la truite est et demeure un poisson ciblé de manière stéréotypée. On entend par là que les techniques communément admises pour cibler la truite répondent à un certain nombre de dogmes difficilement muables. Par exemple, le fait de pêcher avec des leurres de petite taille, du matériel léger et discret. Cela prend tout son sens dans des rivières d’eau très claire, abritant une forte densité de petits poissons. En revanche, dans les eaux troubles des rivières normandes, cette vision est limitante.

Un parallèle intéressant avec la pêche d’autres espèces emblématiques
Lorsque l’on s’intéresse à l’histoire récente de la pêche au leurre du brochet, on constate que de vrais changements ont opéré. Différents courants, comme la pêche du maskinongé en Amérique du Nord, ou du Bass au Japon, ont contribué à l’importation du concept de pêche big bait. Il s’est déployé dans un terreau fertile et a perduré.
A l’inverse, ce concept est assez peu implanté dans l’esprit des pêcheurs de truite. L’influence de la pêche à la mouche conduit peut-être à privilégier l’approche « proie » plutôt que l’approche « intrus ». En revanche, il fait légion dans la pêche du saumon, le migrateur ne se nourrissant pas lorsqu’il entreprend ses migrations amphibiotiques, mais étant particulièrement irascible. Ainsi, on peut voir l’approche gros leurre pour la grande truite fario comme une extension logique de la pêche au saumon.


Une expérience personnelle
Cela fait maintenant deux ans qu’un pêcheur de l’Isère, un cours d’eau dont l’hydrographie est opposée à celle de ma rivière, m’a suggéré d’augmenter le volume de mes leurres. Il m’a certifié que l’agressivité des truites est sans limite et n’a rien à envier à celle de maître Lucius, ce qui permet de sélectionner les plus gros spécimens. J’ai choisi de l’écouter et d’essayer. Effectivement, les résultats sont sans appel. La moyenne de mes captures a augmenté de dix centimètres au minimum, passant de quarante à cinquante centimètres.
De plus, j’ai remarqué que les truites sont plus agressives sur des postes que j’ai identifiés comme zones de repos/tenue. Par exemple, les caches dans les racines de chênes ou d’aulnes, dans les enchevêtrements de branchages ou encore dans les berges creusées, sont plus productives avec cette approche que les zones de chasse (radiers et autres accélérations de courant).

La saisonnalité de la pratique : constat sur mon secteur
Si les rivières normandes renferment des poissons sauvages exceptionnels, elles sont en revanche difficiles à pêcher au leurre toute la saison. La pêche est généralement productive deux mois sur six, de la mi-mars à la mi-mai, lorsque les débits permettent des eaux froides et claires. Sur ma rivière, par contre, les soirées de fin avril permettent la prise de plusieurs poissons de plus de cinquante centimètres.
Je constate qu’à partir des premières éclosions, la sélectivité des poissons est très importante. Ils négligent totalement les leurres et perdent leur agressivité. Je ne pense pas que cela soit dû à l’augmentation continue de la pression de pêche post-fermeture, la rivière n’étant pas ou peu pêchée.

Les leurres utilisés : cuillers à brochet ou à truite ?
Les grosses cuillers tournantes sont les partenaires parfaits pour rechercher le lingot d’or tant convoité. Elles présentent les mêmes avantages que leurs petites sœurs, aux effets décuplés. Le large profil de la lame permet de pêcher à la descente, qui est plus planante. On peut alors animer en dent de scie, et insister dans les trous ou derrière les obstacles. Je n’utilise plus que des cuillers numéros 4 et 5. J’écrase les ardillons et laisse les triples d’origine, robustes. Ils ont l’avantage par leur taille de moins blesser les poissons et de moins s’accrocher.

Les cuillers ondulantes sont également excellentes : il semble même qu’elles présentent un ratio (taille du leurre / taille du poisson déclenché) inférieur à celui des tournantes. Elles permettent de pêcher quasiment fixement, sans action du moulinet. Lorsqu’elles touchent la surface au lancer, elles ont tendance à reculer par rapport à vous. On peut donc atteindre des endroits inaccessibles, sous les racines, comme si on cherchait le Bass. J’utilise des ondulantes assez larges, plombées en 7 grammes, armées par des assist simples ou doubles.
D’autres leurres
La pêche de la truite aux leurres durs a déjà été abordée dans d’autres articles. L’intérêt des swimbaits est manifeste : ils sont planants et imitatifs. Les jerkbaits suspending sont tout aussi intéressants, par leur stabilité verticale. J’utilise les tailles 8-9 cm, que je trouve polyvalentes et adaptées aux plages de lancer des cannes truite. Les coulants permettent quant à eux d’accéder aux mêmes spots que les ondulantes, avec une action différente. Par exemple, le Jackson Artist FR 80 s’y prête bien : ses flancs inclinés vers le bas et l’armement en assist permettent une descente lente.

Pour les leurres souples, j’utilise des shads de trois pouces, mais rien ne m’empêche de passer aux quatre pouces. Les Reins Rockvibe shad ont une caudale assez puissante et agressive. J’utilise aussi les craws : la Dolive Craw de la marque OSP en 3 pouces est pour moi une référence. Les Sleeper Craw de Megabass présentent également un réel potentiel, en plus de constituer une belle bouchée.

Le mot de la fin
Pour conclure, ce rapport n’a pas la prétention de présenter une quelconque approche novatrice de la pêche des truites fario. Le concept de big bait pour la truite est probablement trop lié à l’écologie particulière de certains milieux pour pouvoir s’implanter dans les pratiques. Néanmoins, on peut voir ces quelques paragraphes comme une invitation à l’expérimentation. Elle pourrait se révéler être, comme pour moi, une vraie découverte.