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La pêche en Sharp Shooting, un sujet qui fait débat !

L'apparition des sondes live a redéfini les règles du jeu : les gros poissons se banalisent au risque d'une pêche de moins bonne qualité dans le futur. Les pêcheurs, compétiteurs et les instances sont divisés sur le sujet.

Il suffit de parcourir le profil facebook ou instagram d’un pêcheur pélagique français pour se rendre compte que la taille moyenne de ses prises a subitement explosé. Comme si une rencontre avec Panoramix avait eu lieu. Mais il n’est pourtant ici pas question de potion magique ou de lac privé au potentiel exceptionnel. Ce qui se cache derrière ces poissons trophées, capturés en quantité inédite, ne fait que quelques centimètres et tient dans une main. La pratique du Sharp Shooting (ou SSH) permet désormais d’ouvrir certains champs du possible jusque-là inatteignables. Le pêcheur peut désormais « voir » ce qu’il se passe devant lui : le Front Facing Sonar (comme aiment le nommer les américains) a révolutionné la pêche des gros poissons aux quatre coins du monde.

Le Sharp Shooting, un changement technologique inédit

Les pratiquants assidus des pêches pélagiques s’affichent autant sur les réseaux qu’ils n’assument qu’à demi-mot et relativisent leurs exploits quand on en débat avec eux : « ça ne fait pas monter tout seul le poisson dans le bateau » peut-on souvent lire dans les débats entre les pros et les antis.

Pourtant, la comparaison de ces sondes révolutionnaires avec les anciennes sondes type « Side Scan » sorties dans les années 2010, ou encore les traditionnelles sondes 2D, n’a pas vraiment de sens sur de nombreux axes d’analyse. Ces deux types de sondes renvoient une image « passée » des fonds, à la verticale plus ou moins éloignée et ne permettaient pas de pêcher avec anticipation et en direct des poissons situés de part et d’autre du bateau. Il était également très délicat de détecter un poisson caché dans un obstacle. C’est désormais possible grâce aux sondes Live.

L’avènement des sondes Scan

Nous sommes vers les années 2014, l’infime partie des utilisateurs qui maîtrisent parfaitement les sondes dites « Scan » pour la recherche des grands poissons ont bien sûr vu leurs résultats s’améliorer avec dans le même temps, leurs lots de détracteurs. Mais il restait toutefois, avant de parvenir à une capture, un gros facteur technique à maîtriser dans l’approche du poisson. Le talent avait encore largement sa place dans la part du succès de capture.

A contrario, les sondes Live permettent, elles, à des pêcheurs beaucoup moins expérimentés en électronique, de capturer avec beaucoup plus de facilité des poissons au comportement et au placement presque identique toute l’année. La part conséquente de difficulté du Sharp Shooting réside dans la maîtrise de sa dérive lors de la détection. La connaissance du biotope ou le comportement des poissons ciblés passent au second plan.

Un gros brochet détecté à 5m du bateau dans 7m d’eau et suspendu à 5m, il sera capturé au shad

Le Sharp Shooting permet une analyse des comportements des poissons sans précédent

Les sondes Live sont clairement destinées à une minorité de pêcheurs de loisir. Elles permettent aux professionnels, perfectionnistes, jusqu’au-boutistes et autres passionnés de pousser leur analyse du comportement des poissons à un stade encore jamais atteint et ainsi de maximiser leurs performances.

Lors d’une utilisation purement verticale, les sondes Live permettent d’annuler les zones d’ombre et d’anticiper les trajectoires des poissons arrivant dans le cône très large de la sonde. Elles permettent également, et avant tout, de saisir le comportement des poissons envers votre leurre/appât. Il est alors bien plus rapide de tirer des bonnes conclusions et d’adapter son approche qu’avec une utilisation de sondes 2D classiques.

Rendre visible ce qui ne l’était pas jusqu’à maintenant

Lors d’une utilisation en mode FF (Front Facing), les sondes Live sont tout bonnement miraculeuses. Elles permettent non seulement de détecter un poisson à plus de 15m du bateau dans une grosse quantité d’eau, mais aussi de visualiser son leurre approchant le poisson recherché avec un décalage de quelques millisecondes seulement. Les poissons suspendus ne sont plus inapprochables, invisibles, et le pêcheur peut prendre le soin de ne plus les effrayer en descendant son corps de ligne trop bas.

Le Sharp Shooting a clairement révolutionné la pêche aux quatre coins du monde. On ne compte plus aujourd’hui les prises record de baramundis, murray cods, sandres géants, thons rouges, truites grises,… capturés à l’aide de cette technologie.

Le Sharp Shooting ou comment pêcher efficacement la pleine eau

Même lors des pêches statiques sous la glace lors des longs hivers au Canada, les sondes Live ont changé les règles du jeu. Le Sharp Shooting a rendu le monde pélagique, espace immense et mal pêché depuis que l’homme a inventé l’hameçon, abordable et exploitable pour beaucoup de pêcheurs sachant a minima manœuvrer correctement une embarcation.

L’intensité de l’émotion découle de la rareté d’une prise exceptionnelle. La pêche est pour beaucoup un loisir romantique réservé à des amoureux de la nature

Le Sharp Shooting ou une banalisation de la rareté

Des lacs de barrage comme Serre-Ponçon, Pareloup ou encore Vouglans étaient historiquement réputés pour leur difficulté et sont aujourd’hui devenus des hauts lieux de la pêche en Sharp Shooting en France. Le temps où prendre quelques perches dans 25m de fond et à quelques mètres du bord suffisait à se classer en compétition, est bel et bien révolu sur ces lacs.

La pêche des poissons pélagiques sélectionne en grande partie les géniteurs de par leur placement hiérarchique suspendus dans la couche d’eau. La prise d’un brochet tout juste métré ou d’un sandre de 80cm est ainsi devenue la norme.

Il y a d’ailleurs deux critères majeurs qui décident un pêcheur à investir dans le Sharp Shooting : être compétitif par rapport aux autres en compétition et se spécialiser dans la recherche des grands poissons.

« L’incertitude est un luxe que beaucoup ne se permettent plus »

Si a l’époque capturer plus de 100 brochets métrés en une saison était réservé à un cercle très fermé de pêcheurs, ils sont aujourd’hui de plus en plus à boucler ce quota hors norme sur les lac alpins et sur une seule saison.

Le temps des poètes est révolu

Le romantisme de la pêche et son incertitude sont en voie de disparition. On repense à toutes ces centaines d’heures où on faisait nager du leurre en pleine eau, fantasmant des poissons géants qui pourraient être suspendus là, devant nous. Toutes ces heures à pêcher dans le vide sans le savoir, comme des pêcheurs stupides coincés avec les armes technologiques de leur époque en fait ?

Le côté mental de la recherche de ces poissons géants en a également pris un sacré coup. Historiquement, les meilleurs « specimen hunters » étaient des pêcheurs avec un mental d’acier fonctionnant énormément à l’intuition. Leur savoir, leur expérience et leurs connaissances sont aujourd’hui surclassés par cette technologie.

Désormais, on lance très peu et chirurgicalement pour atteindre sa cible. Une sorte de pêche à vue mais en pleine eau.

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Les sondes live sont autorisées lors du troisième jour de la compétition Fly Versus Jerk 15 (pas les deux premiers)

Le Sharp Shooting, un bouleversement dans les compétitions

Le fait qu’une avancée technologique ait bouleversé une pratique ou un sport n’est pas une première dans notre époque contemporaine. On ne peut s’empêcher de penser aux semelles en carbone qui ont relancé l’intérêt de la course à pied en faisant tomber des vieux records les uns après les autres. Ou encore toutes les évolutions technologiques récentes dans le monde du cyclisme qui maximisent les performances au détriment de la sécurité des coureurs.

Fut un temps où les nageurs professionnels ont également fait tomber tous les records du monde grâce aux combinaisons en polyuréthane, faisant perdre toute notion de performance équitable dans ce sport. La FINA s’est alors retrouvée dépassée par la technologie et décidera en 2009, d’interdire les combinaisons pour les compétitions. Elle n’a pas fait machine arrière depuis et les athlètes ont continué à améliorer leur technique tout de même faisant tomber les records à un rythme bien moins effréné.

Pêcher en Sharp Shooting fait gagner des compétitions

Aujourd’hui, et c’est un fait, les compétitions de pêche internationales de pêche se gagnent grâce à des sondes Live quand elles y sont autorisées. Que ce soit par grande ou faible profondeur.

Mike Iaconelli faisant le constat amer que son sport a changé (février 2024)

On trouve aisément des vidéos récentes du circuit bass aux USA où le pêcheur indique au caméraman qu’il visualise à l’écran un gros black-bass posté à 10m devant lui et caché dans les herbiers. Quatre changements de leurres et de cannes plus tard, le poisson annoncé est capturé.

« Il n’y a pas de grande réussite sans grande probabilité d’échec »

Gary Cantrell – créateur de la Barkley

Certains compétiteurs ont du mal à prendre le virage de la pêche Live

Certains compétiteurs au gros palmarès, que ce soit à notre échelle de l’AFCPL, de la FFPS (compétitions nationales de pêche en France) ou encore du circuit Bass Pro aux USA, ont encore du mal à prendre le virage et sont carrément devenus des anonymes dans bien des compétitions.

Mais les organisateurs redoutent toutefois de s’enfermer dans cette spirale infernale par peur de ne pouvoir rétropédaler. On constate ainsi que des compétitions interdisent l’usage du Live certains jours ou encore ne l’autorisent qu’une seule heure par jour comme c’est le cas lors de la YPC boat sur Youtube notamment.

Le Sharp Shooting, une technologie qui défie la réglementation

Notre pays a toujours eu la réputation d’avoir une législation toujours en retard par rapport aux réglementations et gestions piscicoles de nos voisins.

Pourquoi encore aujourd’hui, la pêche à la traîne et la pêche de nuit sont-elles toujours interdites en France ? Ces approches prohibées faussent-elles les règles du jeu de notre passion et rendent-elles la pêche trop facile ? On interdit bien la pêche au fusil harpon en rivière pour cette raison. Ces interdictions semblent donc toutes encore mises en place pour protéger avant tout le cheptel piscicole.

« Certains gros sandres, silures ou brochets qui étaient auparavant tranquilles sont désormais facilement trouvables et pêchables. Sur nos lacs romands, c’est devenu normal de capturer au moins trois poissons mesurant plus d’un mètre en une journée. »

Adrien Belgrano, guide de pêche

Ceux qui ont pu le tester peuvent en témoigner, ces approches que sont la traîne et la pêche de nuit permettent bel et bien de capturer des poissons plus facilement qu’en journée dans la plupart des cas.

Et pourtant, une belle journée de Sharp Shooting pratiquée en respectant la réglementation, surclasse la pêche à la traine et la pêche de nuit très régulièrement en termes de résultats.

Que penser donc de tout cela ? On souhaite conserver une pêche d’une certaine difficulté pour protéger le cheptel en partie ou non ? Un cheptel doit-il être pêché à 100% sans zone de repos ? C’est à s’y perdre et à ne pas pouvoir l’expliquer clairement à un non initié.

Un budget conséquent

Cette nouvelle technologie, développée par Garmin puis revendue à ses concurrents comme Humminbird et Lowrance, est gourmande en calculs et donc en énergie.

Il faudra donc non seulement se payer une sonde Live mais également un boitier qui fera la passerelle entre la sonde et le sondeur. Tout cela devra être alimenté en 12V par une batterie lithium-ion ou lifePO4 d’un ampérage conséquent. La liste mise bout à bout, le budget dépasse les 4000 euros pour les modèles de base.

Les sondes Live interdites sur certains lacs en Suisse et en Suède

Nos voisins suisses, qui ont un rapport à la nature bien différent du notre (chasse professionnalisée et no-kill interdit dans plusieurs cantons) n’ont pas mit beaucoup de temps à comprendre la rentabilité de cette technique et ont carrément interdit l’usage de sondes Live sur des lacs comme celui des quatre-cantons. Des interdictions semblent également avoir été prises récemment en Suède sur certains lacs.

Ces mesures sont-elles justes et cohérentes ? Elles semblent avoir été prises sans aucune statistiques scientifiques à l’appui mais uniquement sur des jugements plus ou moins fondés, des (trop) nombreuses publications sur les réseaux sociaux.

En Suisse, le pays qui autorise toujours la pêche à la traîne, l’usage des sondes Live fait débat. Un combat de générations ? Photo savoie-mont-blanc.com© 

Le Sharp Shooting, une technologie qui divise les pêcheurs

Il y a toujours eu un gap entre les pêcheurs aux leurres et les pêcheurs à la mouche. Les uns appellent les autres les « ferrailleurs » et réciproquement les « chapeaux à plumes ». La beauté du geste et de l’approche Vs la rentabilité et le pragmatisme. On se chambre mais on se côtoie tout de même volontiers dans bien des configurations.

Le Sharp Shooting a réussi lui, à diviser les pêcheurs aux leurres au sein même de leur communauté. Il faut dire qu’il est difficile pour quelqu’un de 40 ans de voir un petit jeune de 20 ans enfiler les poissons trophées comme des perles avec une facilité insolente sur des spots que son aïeul pêche au mental depuis 30 ans.

Dire que la capture d’un poisson au milieu du désert, au bout du bout d’une journée sans aucune touche était une quête mentale aboutissant à une explosion d’adrénaline et de joie vous ferait limite passer pour un réactionnaire.

« Aujourd’hui ce qui fait vibrer, c’est quand 20 pixels en poursuivent 5 avant le potentiel impact. »

Ces grands poissons géniteurs qui ont toujours eu une paix royale depuis des décennies sont aujourd’hui une ressource naturelle désormais exploitée par l’homme.

Avec l’explosion de le pression de pêche sur certains lacs français, on a pu constater que les grands poissons ont délaissé les bordures au profit des immensités pélagiques. Preuve, s’il en fallait, que les gros volumes d’eau sont un refuge pour ces poissons face à l’activité humaine.

Le Sharp Shooting ne laisse personne insensible. Il est difficile de devenir un pro Front Facing Sonar quand on a maudit cette technologie et il est difficile de devenir un anti Front Facing Sonar une fois que l’on a équipé son bateau en conséquence et que les résultats sont là…

L’impact du Sharp Shooting sur la ressource

Mais le débat nous oblige à rester factuels bien que prudents. On ne connait pas et on ne sait pas encore mesurer scientifiquement l’impact du Sharp Shooting sur un cheptel sur le long terme. Bien qu’il ne fasse nul doute pour beaucoup que capturer avec aisance des sandres géniteurs suspendus par plus de 10 mètres de profondeur n’augure rien de bon pour le futur.

Nous sommes donc en train d’exploiter une niche qui a toujours été garante de la reproduction future et chaque année le nombre de pêcheurs en Sharp Shooting augmente.

Le genre de montages qui fleurissent un peu partout sur les réseaux sociaux extrapolant le futur de la pêche. Cynique ou pas, l’avenir nous le dira.

Et demain ?

Il semblerait que nos instances voient globalement l’apparition des sondes Live comme un progrès pour notre passion. Pourtant l’impact sur la gestion piscicole est réel mais la vision à court terme est plutôt euphorique qu’inquiète.

L’apparition des sondes Live aura divisé à jamais nos générations actuelles de pêcheurs de carnassiers. Pendant que certains auront refusé de prendre ce virage technologique, d’autres auront commencé naturellement la pêche en Sharp Shooting dès leurs premières années de pêche.

Mais que va alors devenir notre passion dans les prochaines années ? Certains n’hésitent pas sur le net à extrapoler sur l’utilisation future de l’intelligence artificielle, couplée à la réalité augmentée et qui permettrait de détecter chaque poisson à 360 degrés autour du bateau. Sans doute le futur de l’électronique embarqué ? Les sondes Live ne sont que l’ancêtre en devenir d’une future technologie qui verra bientôt le jour.

Vers une adaptation du comportement des poissons

La nature a toujours su se réinventer, il ne fait nul doute que ces poissons vont finir par comprendre qu’ils n’ont désormais plus la paix dont ils ont toujours bénéficié. On constate déjà comme les pêches pélagiques sur les grands lacs hollandais ne sont plus aussi rentables qu’avant. Viendra alors peut-être le temps où nous devrons donner encore plus d’espaces de tranquillité dédiés à nos partenaires de jeu.

L’homme devra alors encore faire preuve de toujours plus d’ingéniosité pour capturer les derniers poissons trophées qui arrivent encore à se cacher. Mais peut-être est-ce là le sens de l’histoire.

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