Être pêcheur, c’est vivre avec ses convictions, pour les remettre en question au bord de l’eau. C’est aller de découverte en découverte. Dans mon cas, je suis allé pêcher mon premier silure après l’avoir longtemps négligé. Parisien d’origine, il accompagne ma culture de la pêche au leurre. Il polarise l’attention dans le fleuve de la capitale, laisse bouche bée les quidams sur les quais. Est-ce cette omniprésence que j’ai boudée ? Mais un jour, poussé par l’ami qui m’a accompagné dans cette première, j’ai sauté le pas. Laissez-moi vous raconter cette session magique !
Rendez-vous est pris sur la Vilaine
Par l’intermédiaire de mon ami Manu, qui a beaucoup insisté, on programme une journée de pêche sur le secteur d’autres amis, ayant pour objectif la prise d’un silure. Par cette bise post-automnale, c’est la crue sur la Vilaine. Les silures se nourrissent, un spécimen de 2,38m a été capturé peu de temps auparavant.
Les échos sont bons, on choisit donc une journée de Novembre et une technique, la pêche au cassant. Elle est particulièrement efficace lorsqu’ils montent se nourrir proche de la surface.
Navigation en eaux troubles
A l’arrivée, je rencontre nos hôtes. Le courant passe directement, la passion pour cette bête est quasi mystique : on peut donc aimer la truite et le silure ? Je me laisse porter par le moment, par l’installation des cannes et le montage des vifs.
Sur un float-tube mal assuré, Manu et Jean-Baptiste partent à l’assaut du courant, à la recherche des précieuses branches, sur l’autre berge. Nous tendons nos lignes, ajustons les profondeurs de nage. Ça pêche ! Au retour, les floats dérivent d’au moins 50 mètres : ce qui est sûr, c’est que les conditions sont bonnes !
L’attente s’installe
Depuis mon siège, je scrute les scions des cannes, une par une. J’adore les clochettes : même dans un froid glacial, alors que vous êtes sur le point de vous endormir, elles vous tirent du sommeil. Au moindre soubresaut du vif, elles retentissent dans les ténèbres comme une dose d’adrénaline sonore. Je vois une étoile filante : bêtement peut-être, je lui demande un silure de plus de deux mètres.
Le moment est magique. La pluie est des nôtres : roulé en boule, j’écoute à demi Manu et ses aïmaras. On essaye de dîner avec son vieux réchaud. Le vent n’est pas de cet avis, nous complique la tâche. Dans cette attente difficile, on se dit que l’on goûte l’essence de la pêche : faire ce que personne ne ferait, pour capturer un gros poisson…
Une rêverie éveillée
Dans mon rêve, un bruit aigu me dérange et me rappelle à la réalité. Je me réveille, le détecteur livre un vrai concerto ! Je dois m’en charger, c’est ce que l’on a convenu, vu que c’est mon premier. Départ, départ ! Le cassant claque, la tresse fouette l’air, le scion se plie, le moulinet grince. Sur mes jambes mal assurées, je me précipite, et glisse sur la berge boueuse. Eclatements de rire, vite debout, je prends contact : ferrage : « Driiiiiik ». Aïe, mauvais ça, c’est le frein qui est desserré. La bête met un rush et je la perds. Un bien mauvais rêve en somme.
L’euphorie du moment est passée. On n’y croyait plus, mais après 10 heures de pêche, un premier poisson s’est laissé tenter, par cette tanche qui œuvre pour nous. Nos amis, de repos dans la voiture, nous remplacent alors. On aura eu la pluie, ils auront le froid.
Sur les coups de 8h30
Ils nous ont réveillés et on y est retourné. Nos détecteurs, connectés à une centrale dans la voiture, ne nous ont pas surpris dans notre sommeil. C’est dans une ambiance maussade que l’aube darde ses lueurs colorées ; rien, à part ce poisson manqué. La Vilaine ne tiendrait-elle pas toutes ses promesses ?
Mais alors que l’on entre dans le money time, la clochette de la petite canne s’emballe. Petite, car c’est la canne verticale 40 livres, un peu orpheline, montée (ne me demandez pas pourquoi) avec un moulinet Daiwa 3000. Encore tout engourdi de fatigue, j’attends. Je me suis répété tous les mouvements durant la nuit et je suis prêt. J’observe le scion plier, plier, encore plier … et paf, il est pris ! « Vas-y », me crie-t-on. Je m’élance, je reprends contact, main sur la bobine, et je ferre amplement !
Le combat avec mon premier silure
Lorsque j’ai engagé le combat, après avoir dosé mon ferrage, mes sensations étaient très floues, et je penchai alors pour une prise modeste. C’est pourquoi je choisis de desserrer mon frein, ce qui probablement me sauva, lorsque le poisson décida de passer à l’offensive. Il était quasiment impossible de prédire sa taille, peut-être 1m40, voire 1m60.
Rapidement, cette masse bizarre s’est bloquée dans une fosse caillouteuse. Manu prit alors le soin d’aller le débloquer en float-tube. Du milieu du fleuve, il tint le poisson, et nous affirma : « Il n’est pas si vilain, hein ! ». Lors d’un premier gros rush, il se cramponna et rejoignit la berge. « Il est lourd tu sais ! », me dit-il en me rendant la canne. Effectivement, dans mes mains, le poisson s’était métamorphosé. S’ensuivit alors une lutte très puissante, sinon bien plus franche.
Une délivrance dans la boue
On commençait à espérer un poisson de plus de 2 mètres. « Le meilleur scénario… ». Je parvins à récupérer quelques centimètres, inexorablement, au prix de nombreux efforts. Après une dizaine de minutes, il sonda et réussit à se bloquer de nouveau. La chance me sourit encore, il ne rencontra ni pierre, ni branchage. Avec mes waders, je trouvais le bon angle pour le ressortir. Je redoublais d’effort, si bien qu’il se trouva alors vraiment proche.
Le poisson était enfin là, dégaza. On allait le voir. Une masse grise, auréolée de blanc, façon camouflage militaire, fracassa la surface avec force. Je poussai un cri, voyant la gueule béante et le corps interminable. « Il fait 2m20 ! ». J’étais impressionné, quasi abasourdi, par la longueur de cette animal, superbe. Après une rapide séance photo, on relâcha ce magnifique spécimen, qui accusait 2m23 sur la toise.
En guise de conclusion
Ce poisson est et restera un aboutissement. Il cristallise tout ce que la pêche a de plus beau à apporter. Un moment hors du temps, transcendé par cette attente rude, qui demandait espérance et endurance.
Inutile de vous dire que ce premier poisson a radicalement changé ma vision de la pêche au silure. Le virus m’a gagné, là-bas, avec mes amis, sous ces étoiles bienveillantes.
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