Après trois longues journées à la dérive sur ce fleuve tumultueux, nous n’avons pas pris un seul aspe. L’eau teintée rendant la pêche difficile nous a contraint à utiliser des techniques moins conventionnelles mais rien n’y faisait. Seul les chevesnes répondaient présents et il me tardait de débloquer le compteur avec une grosse flèche d’argent.
Le premier aspe
La fin de cette troisième journée approchait. L’eau s’était un peu plus éclaircie et les gros chevesnes commençaient à taper au leurre de surface sur les bordures. Mais les aspes restaient absents. Après avoir passé un seuil, j’arrive sur une zone tumultueuse où des obstacles immergés créent de grosses perturbations avec des veines de courant marquées et des amortis.
J’arrive péniblement à me stabiliser dans un calme et j’effectue mon premier lancer au stickbait. Quelques tours de manivelle plus tard, la sanction tombe. L’attaque est explosive mais le poisson rate le leurre… C’était un aspe, l’explosion caractéristique ne trompe pas, et alors que je me maudis d’avoir raté le poisson tant recherché, une deuxième attaque fait disparaitre mon leurre juste devant mon kayak. C’est petit mais c’est le premier aspe de mon séjour et je l’apprécie vraiment.
Je relance dans la foulée et pique un second poisson, c’est plus joli et il prend appui sur le courant. Lorsqu’il crève enfin la surface et rentre dans l’épuisette, un sentiment d’accomplissement m’envahit. Jamais un aspe de 70 cm ne m’avais rendu aussi heureux !
Une demi-heure de folie
Après avoir regagné la berge pour immortaliser la beauté de ce poisson, je décide de remonter le courant à la force des bras pour repêcher la zone qui semble tenir des poissons actifs. Mon OSP Bent Minnow 86 F se déhanche à merveille dans le courant, et c’est un véritable petit festival qui commence.
Les explosions derrières mon leurre s’enchainent, les ratés sont fréquents car le courant est puissant et malgré tout, l’eau est encore teintée. Je ne sais pas si c’est la zone qui était particulièrement bonne ou qu’il s’agissait d’une période d’activité des poissons, certainement un mélange des deux. Toujours est-il que ce soir-là je sortirais 4 aspes durant une grosse demi-heure de folie.
Questionnements du soir
Après l’indétrônable cordon-bleu au feu de bois, je me couche l’esprit tranquille. J’ai enfin débloqué le compteur aspe de ce séjour et j’espère que l’eau va continuer de s’éclaircir. Je me questionne néanmoins à la chaleur du feu, me demandant quel est le facteur qui a permis ce coup du soir d’anthologie. J’ai peur de ne pas retrouver d’aspe le lendemain si les configurations de la Loire sont différentes en aval.
Remise en confiance
La journée du lendemain commence bien. J’entame tout de suite la pêche au stickbait, et rapidement, un joli poisson sort d’un arbre mort et explose la surface. La zone n’a rien à voir avec celle de la veille et je suis donc persuadé que c’est la couleur de l’eau, plus claire que les jours précédents, qui est responsable de ce revirement de situation.
Je suis donc confiant et ce n’est pas un secret, lorsque l’on a confiance, on pêche mieux. Je commence à comprendre la tenue des poissons et la pêche ressemble de plus en plus à celle dont j’ai l’habitude. Je m’accorde plus de temps de repos à observer le paysage en dérivant sur le fleuve. Je ne pêche que les spots qui me paraissent propices mais je suis plus efficace et c’est 4 nouveaux aspes qui rejoindront la filoche sur cette journée.
La désillusion
Alors que je m’attendais à ce que la pêche s’améliore, un nouveau pic fait légèrement regrimper le débit de la Loire. S’ensuivent donc deux journées particulièrement difficiles où malgré de nombreuse approches différentes, je ne trouve plus le moyen de déclencher ces aspes. Seuls les chevesnes sont éternellement présents, mais la déception est d’autant plus grande après avoir vécu un jour et demi de pêche à l’aspe comme j’aime. Encore une fois ce sont les silures qui viendront me mettre du baume au cœur avec la capture d’un beau spécimen au milieu de la jussie. C’est loin d’être un monstre mais cette année je m’en contenterai.
Voir pour comprendre
Je pêche toujours légèrement derrière moi vers l’amont lorsque je cherche l’aspe au stickbait, c’est ce qui m’a toujours le plus réussi, mais cette fois cela pose un problème. Pour comprendre la raison de cet échec cuisant qui se répète, je décide de me mettre debout sur le kayak et je continue donc ma pêche avec une meilleur visibilité.
Soudain un aspe sort de la berge en direction de mon leurre, il dévale le courant sur moins de 2 mètres et fait demi-tour. Je peste, il était vraiment gros celui-là, mais je continue ainsi et 30 minutes plus tard, un deuxième poisson réagit exactement de la même manière. Je comprends enfin !
La visibilité dans l’eau est mauvaise et la majorité des aspes ne doivent pas percevoir mon leurre comme une proie facile. Les rares individus qui s’y intéressent ne prennent pas le risque de sortir de leur petite zone d’amorti. En fait, pour les aspes, mon leurre passe probablement trop vite pour valoir la peine de le poursuivre dans cette eau piquée.
Le sort s’acharne
Face à cette analyse qui n’est peut être pas juste mais qui est ma seule piste sur le moment, je m’adapte. J’entame donc une pêche vers l’aval, toujours proche du bord et des amortis. Comme je dérive vers mon leurre, il fait quasiment du surplace et insiste donc un peu plus sur les spots intéressants. Je finirais la journée en prospectant ainsi et je parviendrais à déclencher 2 aspes dont un vrai géant de plus de 80 cm que je décrocherais sous le kayak.
Pêche à vue pour le dernier jour
La dernière journée de descente sera un peu plus agréable, la Loire s’étant éclaircie de nouveau pendant la nuit. Le début d’une pêche à vue sera même possible sur les dernières heures de descente. Debout sur mon kayak, je longe les plages à une vingtaine de mètres du bord, à l’affût du moindre poisson en maraude. J’arriverais à en repérer quelques uns et des lancers précis me permettront de valider deux aspes de plus avant de débarquer tout mon chargement et de retourner à la vie réelle.