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Pêche de la truite au leurre : analyse d’un début de saison déconcertant !

Une saison de pêche à la truite déconcertante. Passé outre les premières déconvenues subies au printemps, je peux commencer à analyser ces innombrables heures passées au bord de ma rivière. Que d'enseignements en si peu de temps… Laissez-moi vous les partager, et tentons de lire entre les rives !
Pêche des truites fario normandes
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  5. Pêche de la truite au leurre : analyse d’un début de saison déconcertant !

Si je vous livrais dès à présent le fruit de ces quelques lignes, bilan de mes réflexions, il tiendrait en peu de mots : « Je ne sais rien, et ce que je crois savoir n’est nulle certitude ». Certes, mais selon moi, ce puzzle constamment insoluble qu’est le comportement des poissons est l’essence de notre passion.

Nota Bene : Je vous précise que je pratique une rivière de plaine calcaire, typiquement normande. Un pH acide, une température et une oxygénation stables sur l’année, ainsi qu’une certaine qualité chimique comme biologique, autorisent un bon taux de croissance sur le bassin. Aussi, mes conclusions pourraient ne pas être pertinentes dans d’autres cours d’eau, le comportement des truites variant considérablement selon les milieux.

Qu’est-ce qui me pousse à écrire ?

Depuis l’ouverture de la pêche en première catégorie, j’ai été particulièrement têtu. Obstiné, buté, guère une minute n’est passée sans que je suive mon objectif : pêcher la truite de mes rêves. Alors que ma quête restait inachevée, soudainement obligé de presque tout remettre en question, et à maintes reprises, je sentis ma détermination soumise à rude épreuve. Paradoxalement, j’ai beaucoup appris, et c’est précisément ce que je vais essayer de vous illustrer par mes expériences.

Une dimension aléatoire

Je dois l’avouer, et c’est un constat bien amer : au cours de cette première moitié de saison, je n’aurai pas véritablement compris ce qui rythmait l’activité des poissons. Au contraire, j’ai fait les frais d’un aléa insondable, puisque toute tentative ayant visé à prédire le résultat d’une sortie de pêche aura été un échec.

Alors que dans des conditions exceptionnelles – des éclosions, un temps lourd et orageux, un ciel bas – je subis des capots inexplicables, je me retrouvais attelé à des poissons sortant de nulle part dans une eau chargée, par un temps frais et venteux, après plusieurs heures de pêche infructueuses. Je resterai donc convaincu que la pluie nous cache beaucoup de choses. Serait-il possible que les truites s’alimentent à la crue, au moment où les rivières sont chargées de matière en suspension ? Une chose est sûre, l’application Vigicrues est et restera une alliée précieuse.

Des conditions exceptionnelles, un soleil généreux filtré par un ciel opaque, gras et humide…

Mais alors, à quoi s’en remettre ?

D’abord, j’ai compris que les truites plus âgées ont des phases d’alimentation très rythmées, courtes, durant lesquelles elles quittent des zones de tenue et s’en vont vers des zones de chasse. J’ai aussi réalisé à quel point la truite est bipolaire. Tantôt refusant des imitations de larve ou méprisant les sèches, puis, tout à coup, craquant de folie pour de grossiers montages à brochet. Un jour, j’ai rencontré un pêcheur qui avait pris un poisson de plus de 60 centimètres avec un Delalande Sandra 16cm, et un bas de ligne en un fluorocarbone de 50/100 ! C’est à se demander si le choix d’un leurre souple sur une tête plombée ait réellement une importance…

Par conséquent, je pense qu’il est inutile de trop intellectualiser la pêche à la truite. Elle est bien moins conceptuelle que ce que l’on imagine, tient souvent à peu de choses, relève même parfois de l’irrationnel… Mais alors, à quoi tient-elle, si on résume ? Trouver un poisson actif et lui présenter un leurre attractif dans la bonne veine d’eau, en recherchant le grammage, la densité, la vitesse de récupération et le profil ondulatoire adéquats. C’est en tout cas par ce prisme là que je l’aborderais : une réflexion purement technique.

Mon rapport au matériel : ne plus s’éparpiller et réfléchir différemment

Peu à peu, je deviens persuadé que l’adage n’est pas « un poisson, un leurre », mais plutôt « un poste, un leurre ». En effet, au moment de composer ma boîte, je me concentre davantage sur les caractéristiques « physico-techniques » de mes leurres, assez peu je l’admets sur les nuances de coloris ou les finitions esthétiques, visualisant le type de configuration dans laquelle je vais les utiliser. Si deux leurres interfèrent par des utilisations trop similaires, hop, j’en sélectionne un, et je ne m’éparpille pas.

Lorsqu’elles sont « à la bouffe », ramener un leurre dur en linéaire est tout à fait suffisant !

Aussi, même si je dispose de nombreuses approches – craw, cuillère tournante, jerkbait, finesse, shad, pourquoi pas worm, imitations de gobies/chabots, et j’en passe – j’ai acquis la conviction que le jeu réside plus dans la présentation du leurre que dans son apparence, en tout cas pour la truite. Dit autrement, je ne cherche plus à convaincre le poisson, mais à atteindre le poste.

Je pense que je perds beaucoup d’énergie à réfléchir et ce, avant d’être au bord de l’eau.

Quelques mises en situation

Par exemple, lorsque j’approche d’un radier battu par le courant et garni d’herbiers, j’enlève systématiquement ma cuillère ou mon leurre dur. Je passe directement un small rubber jig – j’utilise les Keteich Guard Spin Jig – ou un finesse monté en texan léger, seuls capables de s’infiltrer dans les thalles touffus car planant nonchalamment sans s’accrocher. Sur un linéaire homogène, si aucun spot ne se dessine ou si je veux parcourir des kilomètres, je passe rapidement ma cuillère ou mon jerbait, afin d’être efficace – notamment, mon fidèle Duo Rozante 77 SP.

À présent, imaginons que je me trouve sur un poste très encombré, jonché de bois morts, où des branches entrecroisées laissent entrevoir une belle veine d’eau. Je ne peux absolument pas effectuer de lancer en linéaire. En revanche, je peux tout à fait monter un shad de trois pouces (n’importe lequel, selon le profil de la caudale), sur une tête plombée classique de 3,5 grammes, et essayer de dandiner mon leurre dans les obstacles.

Des parcours de pêche

Et maintenant, supposons qu’une fosse magnifique soit alimentée par un bouillon puissant, assez peu encombrée de fait, et que je ne parvienne pas à faire descendre mon leurre souple. Ni une ni deux, je passe un poisson nageur coulant monté en assist hook, le choix de ce montage ayant alors toute son importance pour ne pas m’accrocher. Comme je pratique une petite rivière, je lance ¾ aval, afin que mon leurre travaille lentement au-dessus du fond.

Enfin, mettons que je pêche un virage magnifique, surplombé d’un grand chêne imposant, dont les racines, qui se prolongent dans l’eau, et les feuillages, une véritable canopée tempérée, m’empêchent de lancer vers l’aval. Je dépose alors un finesse sur une tête légère, laisse dérouler, et m’en vais darter mon leurre contre la sous-berge.

J’ai le sentiment que c’est ainsi que l’on redonne du sens aux mots « parcours de pêche ». Les postes défilent, nos leurres aussi.

Deux arcs-en-ciel jumeaux semblent annoncer mon trésor, là-bas, dans ma rivière Normande

Je pourrais continuer comme cela longtemps. Avant de conceptualiser la pêche, attendons de regarder notre leurre évoluer dans l’eau et concentrons-nous sur notre instinct. On pourrait tout résumer en quelques remarques, qui me sont souvent faites par un ami : « Ah, ça ne pêche pas ton truc » ou au contraire « Oh là, attention ! Ça pêche bien ! ».

Et mon début de la saison, dans tout ça ?

Un week-end d’ouverture raté, « sauvé » par un chevesne pris à la volée sur un radier, sous la pluie. Pour le moins déconcertant. J’apprends qu’un ami – que je nommerai L. D. dans la suite de l’article – est parvenu à leurrer un poisson exceptionnel (de 60 centimètres), sous les 15 minutes de soleil dont nous avons été gratifiés vers 11h30, samedi matin.

Les chevesnes me laisseront toujours perplexe. Ils n’ont jamais froid aux yeux !

Une amélioration à la mi-mars

Un deuxième week-end rassurant, où je prends un premier beau poisson au Duo Rozante 77 SP (sur un linéaire peu encombré, justement), sous un rayon de soleil. Le fait que le leurre est coffré par la tête semble indiquer que ce poisson soit actif, et que l’augmentation de la luminosité déclenche des phases alimentaires.

La semaine suivante, les pluies incessantes contrecarrent mes plans et rendent la pêche difficile. Pourtant, au crépuscule, dans la dernière ligne droite, un superbe poisson de 50 centimètres se saisit de mon swimbait articulé, avalant à nouveau le leurre par la tête. Après des heures de pêche vides de sens, ce poisson relève purement du hasard. Un lancer comme un autre, un passage répété des dizaines de fois sans succès, qui soudain trouve preneur…

Le premier poisson de ma saison, plus d’argent cuivré que d’or

Une pluvieuse descente aux enfers début avril

Comme partout en France, à la fin mars, les précipitations reprennent de plus belle. Quelques poissons sont pris en début de crue, lors de la phase de montée, dont un autre beau poisson, en plein courant, par mon ami L. D. Une période difficile de plusieurs semaines s’installe, durant laquelle je reste bredouille. Sur de petits affluents, je constate sans surprise que les petites truites leurrées se sont beaucoup alimentées. Même en ruisseau, les prises d’ordinaire si régulières sont bien rares. Les poissons sont incroyablement déstabilisants. Même les craw sont inefficaces ! Au mieux, je prends quelques tirées sur les pinces de mes 2 pouces.

Me prendrez-vous à essayer de traquer Dame fario comme si je pêchais le sandre ?
Contraint de remonter très haut dans mes ruisseaux, pour trouver des poissons amateurs d’OSP DoLive Craw

À la mi-avril, les pluies ont plus ou moins cessé et la pêche reprend normalement. J’accompagne mon binôme sur plusieurs sessions difficiles. Le moral est en berne, d’autant que les conditions paraissent excellentes. Des échos me confirment que les journées sont vides, seuls les coups du soir semblant alors productifs. Pêchant jusqu’à la limite horaire maximum (29 minutes et 59 secondes après le coucher du soleil) sans résultat, ma propre déconfiture m’accable.

Brusquement, je suis foudroyé par L. D. Sous mes yeux, m’arrachant à mes pensées, il leurre un majestueux poisson de 54 centimètres. Magnifique, comme empreinte de toute sa noblesse, je la vois scintiller dans l’obscurité tombante.

Sa majesté Fario, forte de ses 54 centimètres, règne à la tombée de la nuit

Ce poisson s’avéra d’autant plus exceptionnel qu’il chamboula bon nombre de mes certitudes. Il me démontra qu’une grande truite sauvage était capable de réattaquer plusieurs fois un leurre, alors qu’elle venait d’être décrochée. C’était un poisson actif, tout simplement.

 Mai peina à tenir ses promesses

Malheureusement, ce mois de mai habituellement si productif ne m’aura guère été plus favorable que les précédents. Jouant d’infortune, constatant au passage une certaine inefficacité des têtes plombées texan, j’ai raté un nombre incalculable de poissons moyens (entre 30 et 40 centimètres). Ils parviennent en effet difficilement à extraire l’hameçon de la gomme du leurre. Finalement, j’ai préféré pour un temps laisser mes rivières de côté et me changer les idées en bord de mer (ce qui fut plutôt réussi !).

Et le mois de juin ? Eh bien, il s’ouvre sous de meilleurs auspices. Vous devriez découvrir le fruit de mes explorations en wading dans un prochain article… Pour l’heure, j’aimerais encore vous parler d’autres choses !

Les truites sont parfois étranges

Je reconnais effectivement que depuis le mois de mars, je commence à relativiser certaines de mes croyances ou de mes habitudes, comme l’importance de la finesse du bas de ligne et de sa discrétion. Je pratique parfois avec une longueur de canne de fluorocarbone, parfois avec une et demi, parfois avec trois quarts de longueur de canne. À vrai dire, je ne ressens aucune différence vis-à-vis de mes résultats, si ce n’est la pérennité de mon montage (les premiers centimètres de tresse après le nœud de raccord souffrant des ronciers). Je pratiquais auparavant en 18/100, maintenant tantôt en 21, tantôt en 24 (mode extraction de black-trout !). À vrai dire, je n’ai pas encore noté de réelle variation, ou une preuve tangible d’une quelconque influence de ces paramètres.

Un comportement lunatique, c’est Salmo Lucius

En revanche, j’ai constaté des choses fascinantes en ce qui concerne le comportement des poissons. D’abord, j’ai vu de mes yeux que des truites de plus de 50 centimètres – que l’on croit volontiers plus méfiantes que leurs descendantes – pouvaient réattaquer plusieurs fois après avoir été décrochées. Lorsque L. D. piqua une première fois le poisson nocturne dont je vous ai parlé et alors que je sautai à l’eau, il la décrocha. Elle ne revint pas une fois, mais deux fois, comme si elle devait expier tout son courroux de truite, furieuse d’être ainsi dérangée et trompée.

Le même schéma se reproduisit avec un autre ami, sauf que cette fois-ci, la truite revint même taper contre mes waders, alors que je venais pourtant de sauter à l’eau, soulevant ce faisant un nuage de vase. J’appris que les truites peuvent avoir un comportement similaire à celui des brochets : méfiantes, soupçonneuses, réagissant à la moindre vibration, exigeant du pêcheur la plus grande discrétion… Jusqu’au jour où elles décident de déchainer d’un seul coup tout cette ire, exposant alors leur hybris de truite.

Une flèche d’or filant dans mes waders, nullement apeurée !

« Les vieux renards de la pêche ont encore beaucoup à nous apprendre »

Par ailleurs, c’est vrai que l’on a toujours besoin d’un vieux pour nous apprendre des choses. D’autant plus que l’on assumera probablement un jour ou l’autre ce même rôle vis-à-vis de quelqu’un d’autre… Ainsi, depuis l’ouverture, j’ai cumulé plus de 50 heures de pêche avec L. D., qui pêche au vairon et avec une canne télescopique. On peut dire qu’un genre de « lure versus bait » version old school rythme constamment nos sessions !

Je peux l’observer peigner méthodiquement chaque centimètre d’eau avec une facilité déconcertante, accédant à des spots invisibles et inaccessibles. Il parvient à travailler son gigotant cadavre de poisson dans un carré de 10cm sur 10cm, tenant le plein courant, là où même un Duo Ryuki ne pourrait rêver tenir plus d’une seconde. Il pêche parfois le scion dans l’eau, grattant sous les aulnes. Bref, il fait des poissons que je n’arriverai jamais à faire, même avec mes craw en texan, même avec mes ondulantes montées en assist.

La morale de cette morale ?

Nos cannes et nos leurres ont des limites que l’on est parfois bien obligé de constater. Sans m’étendre sur l’attrait douteux de ce chatterbait naturel, c’est indéniablement la polyvalence de la canne télescopique qui rend l’ensemble si efficace.

En tout cas, je trouve au combien intéressant de réaliser à quel point les techniques de pêche et les matériels associés ont évolué, largement influencés par des importations extérieures. Pêcher au leurre, c’est avant tout un défi et une philosophie en même temps qu’une certaine preuve de persévérance. Cette compétition des âges, qui alimente une incessante « macagna », est avant tout un prétexte pour rigoler au bord de l’eau.

De nouvelles cartes et des rencontres

Pour terminer, j’aimerais vous parler d’une chose qui me tient à cœur. Depuis quelque temps, je me suis engagé au sein de l’Association agréée de pêche et de protection des milieux aquatiques (AAPPMA) locale. Sur les parcours que nous gérons, les populations piscicoles font l’objet d’une gestion patrimoniale. Elle vise à favoriser la colonisation des milieux et la reproduction des géniteurs par l’absence d’empoissonnement. Pêcher et relâcher un poisson – qui peut parfois être pris plusieurs fois durant une même année – et participer à des travaux de restauration de ruisseaux pépinières, pour ensuite aller voir ce même poisson frayer l’hiver venu, est une expérience exaltante qui donne un sens exceptionnel à notre passion.

Le bonheur se devine sur le visage des pêcheurs !

Au-delà d’être une passion inestimable, la pêche de la truite reste selon moi un formidable vecteur de préservation, qui conduit des personnes à défendre des milieux naturels érigés en biens communs, et à se comporter comme de véritables sentinelles des cours d’eau.

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