Nota bene : Notre barracuda, rigoureusement bécune, correspond à deux espèces : la bécune méditerranéenne (Sphyraena Sphyraena) et la bécune à bouche jaune (Sphyraena Viridensis).
Vous êtes de passage en Méditerranée et, pêcheur de bar mélancolique, vous avez décidé de partir prendre un loup. Malheureusement, il s’avère qu’il est bien plus capricieux que son cousin nordique. Dépité, comme frappé par cette découverte, vous vous apprêtez à ranger votre matériel. Mais non ! Vous passeriez à côté des possibilités de pêche sur une autre cible plus conciliante : le barracuda !
Où, quand et comment trouver les barracudas ?
Le barracuda est un poisson carnassier qui affectionne les spots classiques de pêche en mer. Dans cet article, on se concentre sur les pointes rocheuses, qui sont souvent des aires de station de nourriture par le jeu des vents et des courants, et sur les digues d’entrée de port. De bons spots, que vous allez arpenter de jour en rockfishing, et redécouvrir de nuit, au moment où les bécunes se rapprochent du bord pour chasser.
Plus largement, on considère que les bécunes sont des espèces indicatrices du réchauffement progressif et ininterrompu des eaux de la Méditerranée. En effet, d’après le Parc national des Calanques, ce sont des espèces désignées comme thermophiles (qui aiment la chaleur). Elles gagneraient progressivement du terrain dans les eaux Nord et Nord-Ouest depuis les eaux méridionales, qu’elles peuplent probablement depuis longtemps. On parle d’ailleurs de « méridionalisation » de la Méditerranée. La présence de dorades coryphènes, en outre, pourrait être un autre exemple traduisant ce phénomène.
D’ailleurs, le Parc a initié un protocole de suivi des dynamiques de population. Celui-ci repose sur les observations des plongeurs et une application mobile.
Une pêche visuelle
Effectivement, il s’agit d’une pêche visuelle car vous allez devoir ouvrir les yeux et chercher différents indices. Le barracuda est un poisson grégaire (en tout cas, les individus de taille moyenne) qui se nourrit de poissons eux-mêmes grégaires, notamment les mulets et les orphies. Aussi, tout ce petit monde ne passe pas inaperçu, même sans lunette polarisante.
De jour, vous pourrez repérer les spots potentiels mais aussi les concentrations de poissons : des mulets agités, nageant rapidement, parallèlement à la côte. Il n’est pas rare qu’ils soient suivis par notre cible, parfois dans 1 mètre d’eau. En pêchant en shore jigging à la recherche d’autres espèces, il m’est déjà arrivé d’observer des barras baroudeurs après avoir vu passer un banc de mulet, 1 minute auparavant.
Notez que le barracuda dispose probablement d’une très bonne vue. Sans même parler de pêche de jour, la pêche sur les quais éclairés, bien que prolifique, peut s’avérer à double tranchant.
Un phénomène intéressant: la migration pendulaire du barracuda
Non, le barracuda n’a pas entendu parler du projet Grand Paris. Blague à part, on constate un phénomène de migration quotidienne entre l’extérieur et l’intérieur des ports, où le barra vient se gaver des locataires des lieux, les mulets.
Cette propriété tend à diminuer le nombre d’inconnues dans l’équation de la pêche, car on sait qu’à un moment de la nuit, ils passeront par la digue d’entrée du port. La pêche du barracuda est une pêche de persévérance, une pêche de banc de poissons, et le savoir est un bon élément pour débuter. Pêchez à plusieurs pour optimiser la recherche ! Bien entendu, on trouvera sans problème le barracuda toute la nuit à l’extérieur du port. En revanche, la probabilité de tomber sur le banc à un moment de la nuit peut être plus faible.
Une saison pour le barracuda ?
Globalement, on peut le pêcher quasiment toute l’année. En Corse, par exemple, j’ai entendu parler de rassemblements très importants au mois de décembre, dans les ports. Lors de la reproduction, aux alentours de mars-avril, la pêche peut s’avérer extrêmement frustrante. En effet, on peut voir en surface dans les ports d’énormes femelles de plus d’1m30 en arrêt alimentaire complet.
Le plein cœur de l’été peut également être difficile, même de nuit, car l’activité est parfois poussive. Dans ces cas-là, attendez une bonne pluie ou un orage (pas sous l’orage). Le barracuda reste un poisson méfiant, qu’il est difficile de leurrer par une mer plate, sous un soleil de plomb.
Si possible, pêchez fin août, en septembre ou en octobre, voire en plein hiver, car selon moi, ce sont les meilleures périodes pour quasiment toutes les espèces. Des invités surprises seront de la partie, hautes en couleurs.
Un combo proche de celui que vous utilisez pour le bar
Effectivement, nos bécunes n’ont rien à voir avec leurs cousins les grands barracudas. De ce fait, vos ensembles Medium Heavy (MH) à bar seront tout à fait adaptés, car la grande majorité des prises ne dépassera pas les 2-3 kilos. Méfiez-vous tout de même de ces poissons moyens de 70 à 90 cm que vous prendrez. Certes, les rushs ne sont pas brutaux, mais ces poissons ont assez de force pour vous mettre un “stop” prolongé à la touche qui leur laisse le temps d’aller frotter la ligne sur le fond, ce qu’ils ne manqueront pas de faire. Évidemment, si d’aventure vous arriviez à prendre l’une de ces femelles de 6-7 kg, cela sera une tout autre histoire.
Une canne de longueur 2,70m, de puissance de lancer 15-40gr et d’une puissance de ligne de 15-20 lbs est idéale. Couplez-la avec un moulinet en taille 3000 par exemple. Une tresse en 16/100 et un BDL fluoro 40/100 viennent compléter. Vous aurez besoin d’une certaine distance de lancer car la pêche du barra s’apparente vraiment à du power fishing. L’idée est d’envoyer le plus loin possible des minnows de 25 gr en variant les directions. Je préconise enfin une canne à action assez douce, pour limiter les décrochages. Le barracuda est un poisson qui se prend très souvent sur les côtés de la tête.
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Quelques critères pour le choix des leurres
L’idée est d’imiter une proie effilée de grande taille, nageant de manière rectiligne, comme un mulet, une orphie ou une bécune juvénile sortie du banc. Je n’ai pas encore constaté de réelle différence qui soit basée sur des aspects purement techniques (profil ondulatoire du leurre, nuances dans les types de coloris, ou même type d’animation). Cependant, il me semble essentiel que votre leurre remplisse certains critères pour espérer leurrer un barra :
- Il doit pouvoir pêcher vite et lentement, quelles que soient les conditions de mer (traversée de zones de courant différenciées, bannière importante, houle marquée), ce qui implique un équilibrage de qualité.
- Il doit pouvoir être propulsé à 40-50 mètres face au vent, grâce à un système de transfert de masse, par exemple. La pêche du barracuda est très prospective, quand bien même les poissons seraient localisés proches de la pointe, circulant parallèlement à la côte.
- De surcroît, il est préférable que ce leurre soit flottant, si vous souhaitez l’animer avec une succession de pauses et d’accélérations. Il est généralement d’assez grande taille, pour coller au type de proie imité.
Des classiques
De ce fait, on utilise généralement des poissons nageurs – à défaut de parler de jerkbait minnow, car ils ne se jerkent pas tous très bien – mesurant entre 15 et 20 cm pour 25 à 30 grammes. Ils sont dotés d’un profil fin, ce qui leur permet d’être moins impactés par le vent, le courant ou la houle, d’une courte bavette (pour pêcher vite), d’un bon équilibrage (pour pêcher lentement) et d’un système de transfert de masse. Ces leurres performants sont de vrais couteaux suisses et sont de fait assez coûteux.
Par exemple, on peut citer le célébrissime Duo Tide Minnow Slim 175, qui a une nage serrée et discrète. Pour ma part, j’adore le Megabass Marine Gang 140 F & S, qui ouvre davantage ses flancs et admet une plage d’animations plus importante. Trouvez celui dont le prix, l’armement et la nage vous conviennent, vous mettent en confiance.
Des originaux
On pourrait évidemment penser aux leurres de la famille des casting jigs, très utilisés pour cibler le denti, les pélamides ou les sérioles, notamment. Mais, si l’on reste sur les leurres durs, on peut également s’intéresser à tous ces jerkbaits denses et de petite taille élaborés pour la pêche sur chasse, assez peu utilisés du bord. Je pense au Tackle House Flitz 42, au Smith Lourdish 95 HS ou encore au Duo Rough Trail Blazin 92 S. Ces leurres coulants sont généralement de vraies fusées, très intéressants par leur petite taille, qui peut vraiment se démarquer. Par leur masse, ils sont cependant moins polyvalents et seront associés à des récupérations plus rapides. Enfin, ils permettent l’utilisation d’ensembles mer MH/H, adaptés à des prédateurs plus puissants, comme le denti.
Les coloris : ne pas s’éparpiller
Si je ne devais en garder qu’un, ça serait le blanc. Lorsque la nuit est tombée ou même dès le crépuscule. En revanche, je vous conseille d’avoir systématiquement un coloris imitatif type mulet. En effet, certains jours, le blanc est systématiquement refusé. N’ayez aucune crainte de lancer un leurre sombre en pleine nuit, tant il serait bien naïf de penser que celui-ci ait pu passer inaperçu.
Les animations
J’utilise souvent une récupération lente rythmée par de brèves tirées. A vrai dire, je suis surtout en recherche d’efficacité, couvrant du terrain et variant peu les animations. Cependant, il est fréquent qu’une fois les poissons trouvés, vous constatiez des suivis. Dans ce cas, effectuer des pauses peut s’avérer déterminant.
Travaillez toujours votre leurre jusqu’à sous vos pieds. En effet, j’ai déjà pris du poisson au dernier tour de manivelle. Enfin, vous pouvez ralentir votre récupération en travaillant votre leurre à contre-courant, ce que je trouve plus prenant.
L’armement
Selon moi, il faut partir du principe que l’on change les hameçons d’origine. On regrettera longtemps d’avoir perdu un denti ou une pélamide à cause d’un triple ouvert. Je porte donc une attention particulière à la qualité de mon armement, et n’hésite pas à augmenter sa taille initiale pour maximiser mes chances “d’accrocher” un barra. Cela concerne également les anneaux brisés : pour la connectique, privilégiez les montages types anneau soudé/rolling – anneau brisé, pour la solidité et la liberté du leurre.
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Manipulation du poisson et sécurité
Avant de conclure, je pouvais difficilement vous inciter à pêcher le barracuda sans formuler quelques mises en garde. La capacité de pénétration de leurs dents est redoutable, leur morsure imprévisible, et même une bécune peut provoquer un accident.
Une bonne pince est essentielle. Une épuisette peut également vous sauver la mise, car ce poisson ayant un corps longiforme tout en muscle est très puissant lorsqu’il s’agite. Un accident avec un triple peut virer au drame. Aussi, si vous ne souhaitez pas prélever le poisson que vous venez de prendre, selon moi, le fish grip s’impose.
Conclusion
Armé de votre frontale, vous oublierez rapidement la frustration de la pêche au loup et ferez (peut-être) la bonne opération des vacances en recyclant votre combo. Le leurre souple ? Il produit un déplacement d’eau totalement différent de l’action d’un minnow, qui est finalement beaucoup plus discret. Moi-même, c’est une technique que j’aimerais éprouver sur le barracuda, mais je reste bloqué par la faiblesse des distances atteintes au lancer.
Comme toute pêche se pratiquant de nuit et en bord de mer, notamment depuis les côtes rocheuses, soyez très prudents et éviter de pêcher seul.
Enfin, ouvrez l’œil, et le bon. En Méditerranée, on ne sait jamais ce qui peut arriver à un mulet par 15 mètres de fond en pleine nuit, car il n’y a pas que des barracudas…