Le saumon King de Patagonie ou l’acclimatation remarquable d’une espèce introduite par erreur !

Les saumons Kings, introduits par erreur en Patagonie, voient leur population augmenter. Une belle opportunité pour les pêcheurs que nous sommes et un bel exemple d’acclimatation d’une espèce à un nouveau milieu.
La pêche du saumon King en Patagonie
  1. Le saumon King de Patagonie ou l’acclimatation remarquable d’une espèce introduite par erreur !
  2. Le saumon King de Patagonie, une pêche au rythme du cycle de migration
  3. Patagonie : Quel matériel pour la pêche du saumon King au leurre ?

Puisque ce sont de ces poissons si grands dont il est toujours question lorsque l’on s’aventure à faire un voyage de pêche, parlons alors des vraiment grands. Introduits en Patagonie dans les années 80 les saumons Kings ont trouvé dans ces eaux australes tous les facteurs favorables à leur développement. Une augmentation des populations est toujours en cours sur de nombreux systèmes d’eau et on parlerait d’espèce invasive si l’occasion n’était pas trop belle de pouvoir se mesurer à ces poissons migrateurs d’une puissance hors du commun. Tout n’est qu’une question de sémantique selon l’intérêt qu’on porte à une espèce…

Poisson fraichement remonté

L’arrivée du saumon King en Patagonie

Les truites ont été introduites avec succès en Patagonie (comme en Nouvelle-Zélande et bien d’autres territoires) à la fin du 19ème siècle. On pourrait croire que l’introduction du saumon King eut été volontaire mais il n’en est rien. Le Chili est le 2ème importateur mondial de saumons d’élevage. Les fermes aquacoles y produisent toutes sortes de poissons dont les saumons Kings, pour une bonne partie d’entre elles, en Patagonie. Parfois peu précautionneuses ni conscientes de leur impact, elles ont laissé échapper quelques poissons. La nature fera le reste, offrant, quelques années plus tard, aux systèmes d’eaux patagons des remontées spectaculaires de saumons gigantesques appelé localement « chinook ».

fleuve patagon colonisé par les kings

Le King du Pacifique

Oncorhynchus tshawytscha pour être précis, est le plus grand représentant des saumons du Pacifique. Pouvant atteindre les 40kg pour certains spécimens, la moyenne de poids se trouve autour des 10 Kg. Son aire de répartition avant son introduction en Patagonie allait de l’Alaska jusqu’en Californie.

La transformation en eau douce

Ces poissons de mer puissants auront pris soin de se nourrir quelques années en eau salée pour constituer une réserve suffisante de gras avant de remonter les rivières pour envisager une reproduction. Les chinooks arrivant en eau douce sont très argentés et prendront, comme tous les saumons, des couleurs pendant leur séjour en eau douce. Passant du blanc au gris, au jaune puis au marron de plus en plus foncé selon la saison et sa période d’entrée en rivière.Les mâles ont tendance à développer des transformations de la mâchoire relativement impressionnantes en très peu de temps, modifiant leurs morphologies pour mieux défendre leurs nids et leurs descendances.

Des dents pointues, pourtant totalement absentes en début de cycle, viennent compléter cette ultime mutation pour littéralement tuer les truites mangeuses d’œufs aux alentours et garder leurs territoires.

Les saumons Kings sont d’aspect plus compact et plus robustes que nos saumons atlantiques. La forme de la tête diffère légèrement sur les poissons frais et l’intérieur de la bouche est noir. Le marking du dos présente des tâches noires de formes bien spécifiques aux saumons pacifiques et l’odeur du mucus, assez abondant, est forte.

Saumon King mâle à la transformation de la mâchoire avancée

Lorsque sonne l’heure de la remontée

Les poissons matures qui décident de remonter pour se reproduire le font de novembre à avril en Patagonie. Leur système digestif s’obstrue et ils ne sont plus en mesure de s’alimenter. La reproduction a lieu en mai-juin et tous les géniteurs succombent ensuite à ce jeûne forcé de plusieurs mois.

Les remontées se font par groupes de poissons qui viennent remplir les différents « pools » des rivières, secteurs souvent plus calmes et plus profonds où les poissons patientent avant de se masser sur les frayères.

Saumon en fin de cycle sur une frayère

La Patagonie côté chilien est bordé par l’océan Pacifique d’où sont originaires les chinooks. Les températures et l’apport en nourriture y sont donc adéquats pour leur développement en mer et constituent une première condition essentielle.

Une montaison sous conditions

Un débit important

Concernant leur migration en eau douce certains facteurs important doivent également être réunis pour permettre la reproduction. L’abondance d’eau dans les rivières patagonnes pendant la période de migration est un des plus importants. Les nombreuses rivières accueillant des Chinook ont généralement un fort débit et c’est une condition pour que les migrateurs s’y engagent avec la certitude de pouvoir atteindre les frayères.

Un taux d’oxygène dissout suffisant

L’abondance d’eau n’est cependant pas suffisante, les salmonidés ont besoin d’une eau bien oxygénée pour subsister. Ces cours d’eau ont la particularité de descendre directement de la Cordillère des Andes qui bordent les côtes chiliennes et sont donc froids ce qui leur confère un taux d’oxygène dissout important, taux accru par leur fort dénivelé et le brassage d’eau qui en résulte.

cours d’eau fort, oxygéné et froid idéal pour la montaison des kings

La bonne granulométrie du substrat

La granulométrie du substrat de l’amont des rivières permettant une bonne oxygénation nécessaire à l’incubation des œufs, la naissance des petits tacons de chinook n’est pas un problème. Leur alimentation en eau douce est assurée par l’apport conséquent en nourriture que procure les cours d’eau calcaires patagons.

Il est bon de rappeler que ces conditions ne pourraient être réunies sans l’opposition sévère des chiliens envers le projet HydroAysén qui fut évoqué en 2007. Ce projet, qui avait pour ambition la construction d’un immense réseau de barrages, a été abandonné en 2017 grâce à la détermination d’Hernán Sandoval et du collectif « Patagonia sin represas » afin de conserver intacte ce qui constitue une des plus grande réserve d’eau douce au monde.

Dans un prochain article consacré aux saumons Kings de Patagonie j’aborderai plus précisément les techniques de pêche à mettre en œuvre pour se lancer à la recherche du King ainsi que le comportement de ces poissons exceptionnels tant du point de vue de leurs mœurs que de leur défense pour le moins impressionnante !