Comportement, approche et matériel : tout savoir sur la pêche des grands brochets !

C'est le poisson qui rend fou, celui qui alimente tous les fantasmes, procure la gloire et suscite la jalousie. Poissons surpuissants, reptiliens voire préhistoriques, les "brocodiles" sont aussi vieux qu'ils restent tendance. Le brochet est sans nul doute le carnassier préféré des français et capturer un grand Esox lucius reste un rêve pour la majorité des pêcheurs.
La pêche des grands brochets
  1. Pêche des grands brochets aux leurres, méthode et conseils pour réussir !
  2. Comportement, approche et matériel : tout savoir sur la pêche des grands brochets !

Il est et demeure le poisson que tout le monde désire, celui qui fait déplacer les foules et fait naître toutes les convoitises. Le grand brochet reste le graal de tout pêcheur européen de carnassiers. Seulement voilà, une grande femelle d’Esox Lucius, il faut plus d’une décennie pour que la nature la fabrique et seule une femelle sur plusieurs centaines d’individus atteindra une taille exceptionnelle. La vie du brochet est un parcours du combattant semé d’embuches mortelles et il faut pêcher les lieux les plus propices à sa croissance paisible pour espérer assez rapidement tenir dans ses mains un brochet géant.

Une vie tout sauf paisible

Un brochet qui dépasse les 110 cm aurait beaucoup de choses à raconter s’il pouvait parler. La mort il l’a côtoyé presque tous les jours. Quand il n’a pas failli y passer au cours de sa vie juvénile à haut risques il a souvent donné la mort à d’autres poissons.

Les grandes femelles brochet sont des animaux forts, paresseux et très lunatiques. Elles tolèrent peu la présence d’autres congénères hors période de reproduction et supportent très mal le stress engendré lors d’une capture. On ne peut pas se permettre de prendre à la légère la capture de ces poissons.

Selon moi, il y a trois facteurs majeurs qui entrent en compte dans la mortalité chez les grands brochets :

  • l’étouffement/noyade par l’ingestion de proies démesurées (souvent mammifères ou oiseaux)
  • une mauvaise manipulation lors d’une capture par l’homme (asphyxie ou infection ultérieure)
  • une mort naturelle qui peut survenir de façon plus ou moins aléatoire et précoce

Des poissons fragiles

Ce sont des machines de guerre subaquatiques qui deviennent des colosses aux pieds d’argile une fois sorties de l’eau. Quand on dépasse la minute hors de l’eau entre mesure, pesée et photos, on franchit déjà une ligne orange concernant la survie de ces poissons. Aucune séance photo ne vaut la vie d’une femelle brochet de 15 ans d’âge.

En ce sens, comme beaucoup, je ne pêche plus les grands brochets l’été depuis des années. D’une part, la pêche est réputée difficile à cette saison et d’autre part les chances de survie de ces poissons dans une eau de surface chaude sont considérablement réduites.

Les dents des grands brochets sont très régulièrement usées et ce sont les poissons juvéniles qui sont responsables de la plupart des coupes.

La définition du brochet trophée

Pour un pêcheur français qui n’a jamais traversé les frontières de l’hexagone une canne à la main, un brochet trophée est souvent assimilé à un poisson qui passe la barre mythique des 100cm. Si nous mesurions nos poissons en « inches » (pouces ndlr), il y a de forte chance que cette barre symbolique soit même déplacée à 101,6 cm soit 40 inches !

Pour un pêcheur scandinave, un brochet tout juste métré est un poisson qui se capture assez couramment, en le recherchant ou non. Quand on se met en tête de rechercher les grands brochets, on vise davantage des poissons dépassant les 115 cm.

Il faut avoir tenu une fois dans sa vie un très grand brochet pour mesurer la beauté de la chose. C’est assez indescriptible… A ce niveau, le brochet perd véritablement sa dimension de poisson pour devenir un animal reptilien aux dimensions démesurées, lourd, féroce et puissant. Quand on attrape pour la première fois de sa vie un grand brochet, la cœur bat tellement la chamade qu’on a du mal à redescendre de son nuage. Et une fois qu’on en est redescendu, on a qu’une envie : recommencer.

La réussite de la capture d’un grand brochet, l’accomplissement pour y parvenir devient rapidement une véritable addiction.

Un bisou non maitrisé pour ce trésor de lac français

Un matériel spécifique

Pêcher les grands brochets ne s’improvise pas, on ne décide pas en quelques mois de s’adonner à cette recherche bien spécifique, cela demande un certain temps et un certain investissement pour correctement s’équiper.

Confort et sécurité

La pêche des grands brochets demande du temps, beaucoup de temps sur l’eau pour arriver à ses fins. Qui dit beaucoup de temps passé sur l’eau dit conditions météorologiques changeantes et un organisme malmené. Il faut donc aussi penser à son endurance et mettre tout en œuvre pour pêcher confortablement et toujours en sécurité. Il faut donc bien souvent investir dans une embarcation de belle taille et sécurisée pour pratiquer cette pêche dans la durée. La pêche des grands brochets amenant souvent à pêcher seul quand elle est pratiquée assidûment, le port d’un gilet de sauvetage est également conseillé. Tous les « specimen hunters » dignes de ce nom que j’ai pu croiser au cours de ma vie de pêcheur, étaient tous des passionnées obnubilés par la prise de grands poissons et ils ne comptaient par leur investissement. On ne touche pas l’exceptionnel via la banalité.

Les grands brochets se trouvent davantage en nombre dans les grands milieux, ces immensités d’eau sont dangereuses et nécessitent un matériel dimensionné en conséquence.

Préserver les poissons

Tenir un poisson trophée qu’on a eu la chance de capturer et le voir perdre la vie est un véritable crève cœur si l’on pratique le catch and release avec conviction. C’est pourquoi il faut s’équiper en conséquence afin de perpétuer la vie de ces rares poissons. En ce sens l’achat d’une grand épuisette est obligatoire ! Une épuisette à grand brochet doit faire au moins 80 cm de diamètre et 80 cm de profondeur. Cet indispensable accessoire assurera une oxygénation du poisson pendant que vous le décrocherez et préparerez de quoi le mesurer et le prendre en photo à bord. Privilégiez les épuisettes avec revêtement caoutchouc et avec des mailles fines. De grosses mailles de 5cm fera des dégâts conséquents sur les nageoires des poissons.

Le second accessoire tout droit venu du monde de la carpe, et qui a toutefois du mal à se démocratiser dans les bateaux de part son encombrement, est le tapis de réception. On en trouve aujourd’hui des très bien étudiés pour la pêche des grands brochets. Une fois humidifiés ils préservent au mieux le mucus et évitent les infections cutanées post capture.

Cette femelle de 124 cm n’aura jamais été contact avec la moquette abrasive du bateau.

Des ensembles canne/moulinet adaptés

Les prises de grands brochets sur du matériel trop léger impliquent de mener le combat jusqu’à épuisement du poisson, ce qui compromet ses chances de survie. Il est donc indispensable du matériel correctement dimensionné afin de fatiguer le poisson sans pour autant l’épuiser totalement.

En ce qui concerne le pêcheur, et afin de fatiguer au minium les articulations, tendons et autres muscles, on utilise aujourd’hui des cannes casting en carbone qui mesurent près de 8 pieds (240cm) avec des grands talons dépassant les 40cm ce qui permet de lancer des leurres conséquents en exploitant au mieux le nerf du blank.

Etant donnés les risques de casses au lancer pour cause de perruques du moulinet, et considérant la puissance des poissons recherchés, on utilisera de la tresse approchant les 30/100 jusque 35/100 pour les moins regardant.

Bien qu’après une décennie de vie, ces vieux poissons aient les dents assez usées, un bas de ligne en fluorocarbone 90 à 100/100 sera toujours de rigueur.

Les prises de grands brochets sont moins nombreuses en rivière, il faut savoir savourer ses prises.

Les grands brochets connaissent leur terrain de jeu par cœur

La réussite de la pêche des grands brochets n’est pas due au hasard. Le placement de ces poissons ne l’est pas non plus.

Partout où j’ai pu pêcher le brochet en Europe, les grands poissons possèdent clairement des zones de chasse et sur lesquelles ils vont venir se nourrir et qu’ils peuvent quitter une fois rassasiés. Ces zones, ils les connaissent par cœur et savent comment y piéger au mieux leurs proies.

Les grands brochets sont territoriaux et n’aiment pas la compagnie. Ils défendent leurs zones de chasse et y tolèrent peu la concurrence d’autres brochets plus jeunes. C’est ainsi que l’on retrouve souvent des poissons de la même taille sur ces zones de chasse. Il y a des zones à poissons de 100cm et des zones à poissons de 120cm. Beaucoup ne croient toujours pas en cette organisation hiérarchisée très précise mais elle a pourtant été observée à de maintes reprises.

Trouver le bon créneau

La stratégie de base est donc de trouver le créneau horaire durant lequel ces grands brochets se nourrissent mais encore faut-il avoir au préalable identifié les zones précises où ils chassent. Cette approche amène donc à pêcher dans le vide jusqu’à ce que la zone « s’allume ».

Les grands brochets affectionnent chasser près de la surface. La surface leur permet d’y coincer leurs proies. Il n’y a alors plus de sortie verticale possible. Pour le brochet la surface est une alliée et bien souvent les zones de chasse se situent sur des zones à faible profondeur.

Il faut avoir observé dans sa vie un grand brochet qui dort sous le bateau entre deux herbiers et qui ne répond à rien, pour matérialiser réellement ce que peut représenter l’inactivité chez cette espèce. On peut passer un leurre 20 fois au-dessus de la tête d’un grand brochet lunatique. Si le poisson est posté sur une potentielle zone de chasse, la 21ème sera peut-être la bonne. On sait désormais grâce aux pêches pélagiques que les brochets peuvent être pêchés également sur leur site de repos et peuvent répondre à vos sollicitations juste par opportunisme.

Ce comportement bien spécifique oblige à pratiquer une pêche chronophage au même endroit jusqu’à ce que tout se déverrouille. Si vous êtes perpétuellement en train de vous déplacer afin de trouver la moindre activité, dites vous que vous êtes en train de mal pêcher.

Les grands brochets sont des poissons très fragiles et stressés, ils demandent une grande précaution dans leur manipulation

Une pêche au mental

Le mental est pour moi le facteur le plus important dans la recherche des grands brochets, y compris à l’étranger où pourtant la densité est bien supérieure à la France.

Un mental de qualité est une arme conséquente pour réussir dans cette pêche. Cette faculté à constamment pouvoir remettre les compteurs à zéro dans sa tête. Effacer les 15 dernières heures de pêche sans touche de sa mémoire en se disant que tout va démarrer à la prochaine. Une véritable introspection. L’absence de touche ne doit pas être une frustration puisque c’est la norme !

Si vous êtes sur l’eau confiant, c’est que vous avez résolu des inconnues qui permettent d’y croire. Il faut alors ne rien lâcher et aller au bout de vos convictions. Il n’y a rien de plus libérateur que la prise d’un grand brochet après plusieurs jours d’inactivité.

A contrario, si vous pêchez un anticyclone caniculaire depuis plusieurs jours et que le temps ne change pas, il est dangereux de pêcher au mental au risque de l’user. Le mental doit être également préservé, exploité à bon escient au bon moment, c’est une énorme qualité intrinsèque qu’il faut savoir aussi protéger.

En tant que sportif assidu, j’éprouve mon mental au quotidien face à la douleur de l’effort. Je retrouve dans cette pêche tout le challenge que je peux trouver dans le sport. Quand la nature finit par se décider à vous offrir ce que vous recherchez votre taux d’adrénaline explose et le sentiment de plénitude qui vous envahie alors vous fait vous sentir plus vivant que jamais.

Une drôle de maladie

Etre un spécimen hunter c’est avant tout aimer la solitude qui nous permet d’aller au bout de nos convictions.

J’ai mis beaucoup de temps avant de prendre mes premiers gros brochets. Des centaines d’heures sans doute. Mais c’était là le passage obligatoire pour me construire en tant que pêcheur de brochets géants.

Cette pêche m’a amené à passer énormément de temps sur l’eau un peu partout en Europe mais plus je parvenais à prendre des gros brochets et plus je me rendais compte à quel point j’ignorais énormément de choses à mes débuts. La pêche des grands brochets finit par vous transformer dans une moindre mesure. L’absence de touche, le fantasme du poisson fantôme, etc. Cette pêche vous rend plus humble.

Quand on est vraiment accro à cette pêche, on vient à peine de relâcher un brochet trophée dans son élément qu’on veut déjà en reprendre un autre !